Marianne Vinck : du chocolat en Afrique du Sud

‘n boer maak ‘n plan. Ce proverbe afrikaans, qui peut se traduire par « un fermier tire toujours son plan », se réfère à la capacité des agriculteurs sud-africains à trouver des solutions créatives aux problèmes ou défis rencontrés. Formule également chère à Marianne Vinck, expatriée amoureuse du chocolat. En effet, en Afrique du Sud, les choses se passent rarement comme imaginées. « Si je peux apprendre quelque chose à mes enfants, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour se réinventer. »

Oser se lancer

Marianne est partie avec son mari pour Stellenbosch, en Afrique du Sud. « Je voulais tout d’abord voir mes enfants terminer leurs études, mais mon mari préférait partir tout de suite sans attendre. » Ils ont donc réalisé leur rêve et sont partis plus tôt que prévu. « Parfois, il faut simplement se lancer et tenter sa chance. » Avant leur départ définitif, Marianne et son mari ont passé deux semaines en Afrique du Sud. « J’ai tout de suite eu le sentiment que c’était là que je voulais vivre. »

Réorientation chocolat

En Belgique, Marianne a travaillé comme employée pendant 30 ans. « Mon poste ne m’a pas permis de devenir la personne que je voulais être. » Quittant son emploi, elle a décidé de se lancer dans la fabrication du chocolat belge. « J’étais encore trop jeune pour prendre ma retraite. Je voulais devenir chocolatière pour pouvoir apporter quelque chose de Belgique en Afrique du Sud. »

À première vue, Marianne n’était pas vraiment prédestinée à la formation de chocolatière. « J’ai toujours occupé une fonction administrative et, en plus, j’avais deux mains gauches. Lorsque j’expliquais pourquoi je suivais la formation, beaucoup de mes camarades de classe estimaient que ce projet était une folie. Mais j’ai persévéré. C’est aussi ce que je transmets aujourd’hui à mes enfants : il n’est jamais trop tard pour changer. L’ingrédient magique est la volonté : quand on veut, on peut. »

La formation n’est pas le seul filet de sécurité qu’elle s’est créé. Avant son départ, elle s’est également affiliée à la Sécurité Sociale d’Outre-Mer (SSOM). « Pour moi, c’est l’équivalent de la Sécurité sociale belge mais pour les personnes travaillant en dehors de l’Europe. Je voulais garder un point d’ancrage en Belgique, car on ne sait jamais si l’aventure d’expatriée va bien se passer. »

Bye bye Belgique plaintive

« Avec le recul, je suis aussi partie parce que j’étais un peu lasse de la mentalité en Belgique. Le côté plaintif m’agaçait de plus en plus - la façon dont les Belges ne cessent de râler au quotidien - alors qu’objectivement, ils n’ont guère de raisons de le faire. » Selon Marianne, la qualité de vie est meilleure en Afrique du Sud. « Si vous demandez à quelqu’un comment il va, il vous répondra toujours “100%, never better, no complaints” [Je n’ai pas à me plaindre, ça ne pourrait pas aller mieux]. »

Mentalité mise à part, Marianne estimait que son travail en Belgique perdait de son sens. « J’avais l’habitude de planifier souvent à l’avance, principalement en raison de mon poste lié à la planification de la production. Je me suis toutefois rendu compte que cela ne me rendait pas vraiment heureuse. En Afrique du Sud, les gens vivent davantage dans l’instant présent, confiants que tout finit par s’arranger. »

Parfois, Marianne repense au temps et à l’énergie qu’elle a gaspillés pour des choses non essentielles. « Je ne dis pas que je ne fais plus aucun projet, mais j’ai appris à trouver un équilibre. »

Chocolat et corona

Une fois installée en Afrique du Sud, Marianne a développé son activité de chocolatière indépendante. « Aussi étrange que cela puisse paraître, mes plus gros acheteurs sont des domaines viticoles. Ils utilisent mon chocolat lors de dégustations de vins. »

En Afrique du Sud, vin et chocolat vont de pair. Le plus grand défi est l’approvisionnement électrique car la production de chocolat à un niveau élevé requiert une alimentation continue. « Or, l’Afrique du Sud manque d’électricité. » Marianne a donc investi dans un onduleur et des panneaux solaires.

Lorsque la crise du Covid a éclaté, l’Afrique du Sud, comme le reste du monde, s’est confinée. « Le pays comptait peu de malades, car le gouvernement était strict. Seuls les commerces de première nécessité étaient autorisés à ouvrir leurs portes ; la vente d’alcool et de tabac était interdite. » Les vignobles ont été contraints de fermer. « Qui dit absence de clients, dit absence de commande. Ce qui m’a obligée à arrêter la production de mon atelier de fabrication de chocolat. »

« Nous avons vécu un certain temps dans l’incertitude, en envisageant la situation de manière positive. Comme beaucoup de Sud-Africains, nous avons cherché et trouvé des solutions créatives aux défis posés. Sans quoi, je n’aurais pas pu poursuivre mon activité. Ici, en Afrique du Sud, ‘n boer maak ‘n plan : en d’autres mots, on prend sa vie en mains.»

En plus de réfléchir aux solutions pour sauver l’atelier de chocolat, Marianne et son mari ont également pris le temps d’en profiter. Ils se sont reconnectés à la nature et ont souvent travaillé dans le jardin. « Après ce dur labeur, nous nous offrions un verre de vin de notre cave à chaque repas. Il était peut-être interdit d’acheter de l’alcool, mais nous avions une grande cave à vin qui pouvait nous suffire pour les années à venir. Sans connaître la durée de la crise, nous avons essayé d’en profiter au maximum. »

Après la pluie vient le beau temps. « Lorsque la crise du Covid a touché à sa fin, mon activité a connu une énorme croissance. En manque de voyages pendant longtemps, les gens ont dès lors découvert les joyaux cachés de leur propre pays. Non seulement les touristes retrouvaient le chemin des vignobles mais les Sud-Africains, qui n’étaient pas autorisés à quitter le pays pendant le Covid, redécouvraient également leur région. »

Pour toujours

« Aujourd’hui, je me sens plus à ma place ici qu’en Belgique. En Afrique du Sud, je prends toujours plus conscience de la nécessité de vivre l’instant présent. Indépendante, je travaille maintenant 6 jours par semaine, mais je le ressens plutôt comme un passe-temps qui a pris de l’ampleur. De plus, grâce à la SSOM, je peux continuer l’esprit tranquille, sans craindre pour ma retraite ou ma santé. »

Pas sûr qu’on revoie de sitôt ce couple en Belgique…